Je ne rédige ni un CV, ni un mémoire racontant ma vie passée. Je cherche à transmettre des idées, ou des projets.
Être inventeur, auteur, peintre n'est pas d'une grande singularité. Cette pléthore de casquettes est le lot de beaucoup d'imaginatifs...
Dirais-je que c'est très, très, jeune que j'ai été incliné à ne pas me limiter à une seule activité...?
C'était avant guerre... Mon père était Officier de l'Aéronavale, époque des grands raids. (Lui-même avait relié pour la première fois Paris à Madagascar).
Hydravion de Bernard & Bougaut
Nous voyions passer sur notre terrasse de St.-Raphael, des aviateurs prestigieux, et de jeunes officiers du Centre d'Essai d'Hydravions.
Ces grands frères, fragiles et souriants, m'indiquaient un de mes destins possibles. Bientôt; lors d'un essai un poil plus périlleux, ils tomberaient comme leurs camarades dans les flots de la baie. On lèverait les verres à leur mémoire. Larmes de champagne. Il y avait sûrement mieux à faire…
Plus tard, plus grand, je ne serai pas seulement pilote. Je trouverai bien un moyen de lutter contre cette hécatombe !
C'est probablement à cause de cet arrière plan que j'ai fait Sup-Aéro et que j'ai effectué l'essentiel de ma carrière d'ingénieur dans la Société Aérazur, spécialisée dans la sécurité aérienne et maritime.
Par différents dispositifs (barrière d'arrêt d'avions, parachure en croix...)nous avons sauvé des milliers d'appareils et d"équipages dans le monde.
Mais il y eut autre chose. Parmi tous ces pilotes, ceux qui étaient déjà auréolés de gloire me paraissaient moins vulnérables. Ils avaient déjà surmonté pas mal de dangers. Souvent, ils étaient habiles en d'autres choses que leur pilotage. L'un deux, Saint-Exupéry, qui venait parfois à la maison, allait jusqu'à écrire des romans. Certes, il me fascinait encore plus par ses tours de cartes... Qu'importe!
Je n'ai pas sauté impunément sur les genoux de Saint-Ex. J'ai tenu pour une évidence sacrée, dès l'enfance, qu'on pouvait écrire, peindre et s'occuper d'avions.
Au début de ma carrière d'ingénieur, j'ai été responsable du développement des filets qui sauvaient les avions militaires, introduits sur des pistes trop courtes. Quand j'arrivais dans un pays pour parler filet, on me disait : "Ah, vous venez pour l'accident d'hier ! Comment l'avez-vous appris ? Il faut se dépêcher... ! "Une forte proportion d'avions se crashaient en bout de piste, dès qu'ils étaient mis en service. Nous nous somme "dépêchés". Priorité absolue à mes activités techniques.
Priorité évidemment moins drastique, une fois les installations réalisées, et les avions systématiquement sauvés. J'ai pu devevenir auteur et peintre.
On devine facilement les problèmes posé par la coexistence d'activités plurielles..
Il faut du temps pour aller au fond des questions. Ce temps est pris sur celui qui est nécessaire pour "mettre sa production sur le marché". On comprendra pourquoi mes relations avec les éditeurs, les metteurs en scène, les producteurs ont subi un certain retard!
(Il n'est hélas pas prouvé qu'Internet facilite beaucoup les rencontres avec les "pros". Il faudrait d'abord qu'ils viennent ici... Ce n'est pas encore dans les moeurs. Et ça ne le sera qu'après un sérieux progrés dans les moteurs de recherche, et dans ce qu'on appelle le "référencement ". Tout ça semble encore à l'âge de pierre. )
Mais une palette d'expériences n'a pas que des inconvénients. Exemple d'avantage :
Quand j'ai rencontré Lawrence Durrell, le plus illustre des grands romanciers alors vivants, ma singularité d'ingénieur écrivant des pièces a eu le bonheur de l'intéresser, au point qu'il m'a suggéré de regarder si le relativisme qu'il avait inventé dans le roman ne s'appliquait pas au théâtre.
Bon sang, il s'appliquait! Reste même à voir si ce n'est pas d'une façon encore plus étonnante que dans un roman.
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